Elisa M. Poggio
Jour 16, unpopular opinion be like...
Je n'aime pas forcément les héroïnes badass.
Je m'explique. Je suis ravie que la fiction contemporaine mette en scène des personnages féminins qui sont ENFIN davantage qu'un faire-valoir, un love/sex interest, une concurrente ou une antagoniste à dompter pour le protagoniste masculin viril et dominateur, à qui l'intrigue donne toujours les rênes de l'histoire, même s'il est moins compétent et moins méritant. Courte description qui ne prétend pas embrasser tous les cas de figure, mais qui peut s'appliquer à l'essentiel de notre culture visuelle et littéraire. Le contrepied juste et nécessaire à cette culture très internalisée était légitimement de donner une voix à des personnages féminins forts : des filles ou des femmes capables, volontaires, qui ne se laissent pas écraser (pas sans résister) ou réduire au silence.
Cependant. Cependant la tendance devient-elle excessive dans la représentation d'un type de femme forte ? Je ne prétends pas tout voir ou tout lire, mais mon expérience personnelle me met trop souvent face à des personnages féminins auxquels je peine à m'identifier. Des chieuses, parce qu'être forte passe très -trop- souvent par avoir un caractère flamboyant, porté sur l'arrogance, l'agressivité et une certaine forme de suffisance. Ce qui est un modèle légitime, mais qui devient la norme de l'héroïne "badass". Une femme forte en fiction est souvent cantonnée à une personnalité très extravertie et qui force le passage. Je comprends la nécessité de ce modèle qui révolutionne les codes en reprenant par la force une place au soleil. Et j'adore certains de ces personnages ! Mais à force, eh bien je m'en lasse d'une part, et d'autre part, je ressens une impossibilité à m'identifier. Je finis par trouver dommageable et presque caricatural que la femme forte devienne un archétype aussi limité.
La force, ce n'est pas systématiquement parler fort. Frapper fort. Jurer. (même si bordel, une belle tirade fleurie parfois, ça détend !). Je finis par me demander si ce n'est pas une masculinisation à outrance de la femme forte ? Une femme n'a pas besoin de cocher les cases de ce que le public attend d'un héros masculin "classique" pour être forte. Du moins il me semble. Bien sûr, tout ceci est avant tout une histoire de ressenti personnel, mais j'avoue me sentir plus proche de personnages plus en retenue, et qui pour autant, sont des rocs. Pas de ceux que l'on jette à la figure, mais de ceux qui demeurent inébranlables dans la tempête.
Du coup, je ne résiste pas au plaisir de vous parler de ma femme forte préférée en fiction. En fait, de mon personnage de fiction féminin préféré tous supports, tous genres confondus : Ada, la protagoniste de la Leçon de Piano. Combien je trouve ce personnage bouleversant et inspirant ! Une femme qui a décidé de ne plus parler. C'est son "statement" face à la vie. Sa voix, c'est son piano, passionné, brillant, vibrant. Elle n'a aucune interaction vocale avec les autres personnages de l'histoire et pourtant, à aucun moment du film, elle n'est dominée. Ses gestes, ses regards, ses choix. Personne n'a le dessus sur elle. Son intériorité crève l'écran, sa sexualité affirmée est un pamphlet à elle seule. On pourra argumenter que la romance est déviante dans cette histoire, mais je pense que si cette déviance est perçue comme imposée, cela reste le choix d'Ada de s'y prêter et d'en tirer parti. Tout simplement parce que même lorsque les homme lui imposent leur présence physique, c'est toujours elle qui garde le dessus psychologiquement. Et qu'elle n'est pas "gentille". Il s'agit d'un film en costumes, dans un modèle social du XIXè siècle, et sa rébellion silencieuse est d'autant plus forte et plus marquante. Ada est un peu mon idole, dans l'univers de la fiction et à sa manière, je la trouve infiniment plus badass que bien des modèles extravertis et grande gueule. J'aimerais découvrir davantage de personnages comme elle... Il en faut pour tous les goûts, n'est-ce pas ?

Et vous ? Quel serait votre modèle de personnage féminin marquant ? Votre mesure étalon de la badassitude ?
J'en profite aussi pour vous dire que la première newsletter des Marcherêves est partie ce matin, si vous voulez partager des moments de réflexions, de délires, de célébration de l'imaginaire comme magie du quotidien, rejoignez-nous, le lien d'inscription est sur la page d'accueil du site. C'est gratuit, ça le restera et vous pouvez vous désabonner à tout moment !
A bientôt.